Pictet désigne l’environnement, la santé et la technologie comme des thèmes d’investissement à long terme majeurs
«Nous sommes convaincus que les thèmes liés à l’environnement, à la santé et à la technologie resteront très attractifs à long terme», a déclaré Raymond Sagayam, associé-gérant du groupe Pictet et coresponsable de Pictet Asset Management, dans une interview accordée à The Edge.
«Il faut bien comprendre que l’investissement thématique est intrinsèquement lié à une perspective de long terme. A court terme, la comparaison des résultats d’un investissement thématique avec les performances de l’indice MSCI ACWI, qui reflète l’ensemble des marchés mondiaux, fait parfois apparaître des écarts importants. Mais vous constaterez que les investisseurs qui privilégient les tendances à long terme sont finalement récompensés, à condition de garder le cap.
«Je ne garantis pas que tous les investissements thématiques offriront des performances exceptionnelles, mais gardez à l’esprit que sont des thèmes. Et par définition, les thèmes s’appuient sur des mégatendances qui se prolongent de nombreuses années, voire des décennies. C’est le cœur de notre approche.»
Si le terme de la démondialisation est sur toutes les lèvres, on oublie parfois que ce mouvement renforce la régionalisation.
L’indice MSCI ACWI représente les grandes et moyennes capitalisations de 23 marchés développés et 24 marchés émergents.
Raymond Sagayam identifie plusieurs mégatendances pour les cinq prochaines années: la montée en puissance de l’Asie, les marchés privés, la viabilité de la dette, la cybersécurité, l’explosion de la productivité, la finance instantanée, le capitalisme responsable et la fragmentation géopolitique.
«Si le terme de la démondialisation est sur toutes les lèvres, on oublie parfois que ce mouvement renforce la régionalisation. L’Asie, par exemple, est une superpuissance de plus en plus interconnectée au plan macroéconomique, qui dépend de moins en moins de l’Occident. Au cours des cinq dernières années, parallèlement à nos clients asiatiques, nous avons accompagné des clients occidentaux qui souhaitaient s’exposer à l’Asie par le biais de divers produits financiers», explique-t-il.
Mais si Pictet a l’intention de mettre l’accent sur ses activités asiatiques, c’est aussi parce que les clients de cette région souhaitent diversifier leurs portefeuilles, fortement exposés aux actions et aux obligations domestiques.
«Ces clients détiennent d’importantes positions en actions américaines. Ce n’est donc pas le segment qu’ils cibleront en priorité, mais l’appétit pour les produits internationaux est bien présent.
«Depuis peu, on observe un vif intérêt pour la zone euro et les produits européens. Je pense que l’Europe se situe à un tournant en termes d’attractivité, et nous pourrions assister à une montée en puissance durable des investisseurs étrangers, y compris asiatiques. Pour eux, l’avantage est double: investir en Europe permet de diversifier leurs placements hors d’Asie, tout en réduisant leur surpondération des actifs américains.»
Les marchés privés deviennent incontournables, et ils feront bientôt partie intégrante de la plupart des portefeuilles.
Cela étant, les investisseurs asiatiques de Pictet continuent de manifester un solide appétit pour les produits panasiatiques, y compris les actifs non cotés, une tendance qui ne se dément pas.
«La plupart des investisseurs internationaux – et pas seulement asiatiques – restent sous-exposés aux actifs non cotés. Mais le profil de performance et la croissance de ces marchés les incitent de plus en plus à prendre des participations dans l’immobilier, le private equity et la dette privée.
Les marchés privés deviennent incontournables, et ils feront bientôt partie intégrante de la plupart des portefeuilles (au-delà des positions tactiques), en particulier parmi les investisseurs qui souhaitent miser sur la croissance à long terme.»
A travers Pictet Alternative Advisors, le Groupe gère près de CHF 40 mia (USD 52,6 mia) de placements alternatifs, principalement dans le private equity, l’immobilier et les hedge funds.
Les fonds sont de plus en plus proposés sous forme de tokens et pourraient être intégrés à la blockchain. Ces évolutions devraient intervenir au cours des cinq prochaines années.
Selon Raymond Sagayam, les investisseurs devraient également s’intéresser à la viabilité de la dette.
«Les Etats-Unis ont atteint un pic d’endettement depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. C’est loin d’être anodin, car cette dette doit être régulièrement refinancée. En fait, la dette publique américaine est largement constituée de titres à court terme. La confiance des investisseurs est donc testée en permanence.»
«On peut désormais en dire autant de la zone euro. L’Allemagne vient d’annoncer un effort de relance sans précédent. Il s’agit d’un tournant, non seulement pour l’Allemagne, mais aussi pour la zone euro, qui passe à la vitesse supérieure dans les investissements de défense et d’infrastructures. Ce qui favorisera la réindustrialisation de l’Europe», analyse-t-il, tout en mettant en garde contre les conséquences que la montée de l’endettement aura sur les décisions d’investissement, lorsqu’il faudra augmenter les impôts pour financer les efforts consentis.
Au niveau des instruments, Raymond Sagayam anticipe l’essor des fonds indiciels (ETF) à l’échelle mondiale, car les investisseurs de la jeune génération exigent plus de transparence et plus d’informations.
«Les fonds sont de plus en plus proposés sous forme de tokens et pourraient être intégrés à la blockchain. Ces évolutions devraient intervenir au cours des cinq prochaines années», conclut-il.
Raymond Sagayam, 47e associé-gérant du Groupe Pictet
Raymond Sagayam a pris ses fonctions en janvier 2024, devenant ainsi le 47e associé-gérant du Groupe en 220 ans d’existence. Il possède plus de 25 ans d’expérience dans l’investissement et a exercé des responsabilités sur les marchés obligataires mondiaux.
Il a rejoint Pictet Asset Management (Pictet AM) en 2010 en tant que responsable des stratégies obligataires total return, afin de développer les capacités de la société dans le domaine du crédit long/short. Il a été nommé responsable des investissements obligataires de Pictet AM en 2017, puis promu equity partner en 2018, et enfin responsable de Pictet AM Londres en 2022.
Avant de rejoindre Pictet, il était managing director chez Swiss Re Asset Management à Londres.
Raymond Sagayam a grandi dans différentes villes, notamment Washington, Kuala Lumpur, Pékin, Singapour et Londres.
«Mon père était diplomate et a représenté la Malaisie dans de nombreux pays. Je suis né aux Etats-Unis, avant qu’il rentre au pays, où nous sommes restés quelques années. Nous avons ensuite déménagé à Pékin, puis à Singapour.
«Ma famille a finalement élu domicile au Royaume-Uni, où j’ai passé la majeure partie de ma vie. Mais je dirais que mes liens et mon attachement à l’Asie, en particulier à la Malaisie et à Singapour, restent très forts», confie-t-il.
Pictet souhaite établir des partenariats avec des banques malaisiennes afin de distribuer ses produits à leurs clients.
Interrogé sur l’opportunité pour Pictet d’ouvrir un bureau à Kuala Lumpur, Raymond Sagayam a répondu: «Je pense qu’une décision de ce type ne peut pas être prise à la légère. De l’autre côté du pont qui enjambe le détroit, nous avons depuis 30 ans un bureau qui nous permet d’accompagner efficacement nos clients.»
«Bien entendu, je pourrais avoir une autre réponse un jour selon la trajectoire de notre croissance. Si vous me posez la même question dans cinq ou dix ans, j’espère qu’elle sera différente. J’espère aussi que les institutions locales verront en Pictet, qui partage les valeurs malaisiennes, le partenaire idéal», conclut-il.
La Malaisie, Singapour et la Thaïlande sont les trois principaux marchés d’Asie du Sud-Est au regard des activités de gestion d’actifs de Pictet.
Scripte de société signée par Jacob-Michel-François de Candolle et Jacques-Henry Mallet pour fonder la banque De Candolle, Mallet & Cie, qui deviendra Pictet & Cie.
Plus de deux siècles d’histoire marqués par une croissance purement interne
Au fil des ans, le Groupe n’a jamais grandi par le biais d’acquisitions, mais toujours en misant sur la croissance interne. Cette volonté de demeurer en mains privées a permis d’éviter les pressions associées aux bénéfices à court terme et de prendre des décisions à long terme en fonction des mégatendances. «Nous avons traversé plusieurs crises financières, non seulement la crise asiatique, qui a marqué le début de ma carrière et représenté un véritable électrochoc, mais aussi la crise financière mondiale. La croissance de Pictet évoque une ligne à 45 degrés, très peu soumise aux fluctuations, car en tant qu’institution, nous évitons toute exposition excessive lorsque les marchés traversent des zones de turbulences. |
Pictet dispose actuellement de six bureaux en Asie: Hong Kong, Osaka, Shanghai, Singapour, Taipei et Tokyo. «En Asie (hors Japon), nous sommes passés d’un peu plus de 200 collaborateurs à plus de 400 en l’espace de 10 ans. Si l’on inclut le Japon, il faut ajouter 130 personnes, ce qui porte le total à 500. Cette croissance interne a été lente, car en tant qu’entreprise privée, nous prenons des décisions qui nous engagent pour des décennies et non pour quelques années ou quelques mois», précise-t-il. En 2024, Pictet a enregistré un bénéfice consolidé de CHF 655 mio, contre CHF 577 mio l’année précédente. Pictet est dirigé par sept associés, à la fois propriétaires majoritaires et gérants, dont Raymond Sagayam, et compte 47 equity partners. |